Le Convoi 11 | ||
1848 : Paris - 16 novembre - Quai de Bercy | ||
1848 : Discours avant le départ. | ||
1848: De Paris à Marseille | ||
1848: (8 décembre) - Arrivée du Convoi 11 à Bône. | ||
1848 - De Bône à Mondovi. | ||
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Paris - 16 novembre - Quai de Bercy Cliquez pour voir la vidéo
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Amarrées aux quais cinq péniches attendent l’ordre du départ. Aux lucarnes se pressent des colons qui assistent à la cérémonie organisée en leur honneur. D’autres sont montés sur les cabanes des chalands. Dans deux autres bateaux on a chargé les bagages. Chaque voyageur a droit à un poids et à un volume de bagage limité (50 kilogrammes). Une tolérance est admise concernant le moyen de couchage : un matelas pour deux personnes est autorisé.
Tous les départs de convois se font le dimanche ou le jeudi. Nous sommes le 16 novembre, un jeudi. Il fait un temps magnifique Comme pour les autres convois un monde fou est venu assister à la cérémonie du 11ème qui part pour Mondovi.. Il y a là les amis, la famille mais aussi les badauds et les curieux. En tout, peut-être 40 à 50.000 personnes. Parmi eux, les personnalités politiques : ministres, députés, maires…Chaque colon, chef de famille est muni d’un billet d’embarquement qui précise le nombre de personnes faisant partie de la famille et la destination. On lui a remis le règlement à respecter durant le voyage qu’il s’apprête à effectuer. La cérémonie est longue et grandiloquente. La fanfare est là qui donne un air de fête aux préparatifs pour compenser la tristesse ressentie par les partants. A la musique succèdent des chants patriotiques des colons ou des chants religieux de congrégations venues assister au départ et encourager les aventuriers. Puis le moment des discours arrive.
Le « Moniteur Universel » du lundi 17/11/1848
Après avoir visité également un des bateaux dans toutes ses parties, ils se sont placés sur le bord du quai en face de la flottille, auprès du drapeau et du clergé. Un des membres de la commission, M. de Montreuil, représentant du peuple, a pris alors la parole en ces termes
C'est un moment solennel que celui où vos derniers regards saluent la France. Vos coeurs sont serrés d'angoisse, car vos familles, vos amis vous entourent, ils vous pressent dans leurs bras, ils vous couvrent de leurs adieux fraternels. Mais vos coeurs s'ouvrent aussi à l'espérance, vous savez que la France africaine est devant vous, et que là vous allez fonder un peuple, une civilisation ; vous savez que de hautes destinées vous attendent". M. Peupin, membre de l’Assemblée Nationale prononce un discours :
M. de Noirlieu, Curé de Saint Jacques-du-Haut-Pas, procède à la bénédiction du drapeau de la colonie.
"Je vous remets ce drapeau. Vous allez en Algérie fonder la Commune de Mondovi. Ce nom vous rappellera de glorieux, de grands souvenirs. Mais, ce drapeau que je vous remets n'est point un signe de guerre, c'est un signe de paix, d'ordre, de travail. Vous allez en Algérie assurer, par votre énergique persévérance votre subsistance, votre avenir, la subsistance et l'avenir de vous enfants. Tandis que vous allez travailler pour vous mêmes, pour votre bien-être et celui de vos familles, vous allez travailler en même temps pour l'honneur et la gloire de la République ; vous allez concourir au succès d'une des plus grandes entreprises de civilisation des temps modernes, au succès d'une œuvre qui va donner à notre grande nation de nouveaux titres, au respect et à l'admiration du monde. Lorsque le départ est annoncé, comme aux précédents convoi, le chant des colons résonne sur les deux quais de la Seine alors que le vapeur « Neptune » amorce le remorquage des péniches. « Adieu donc, France, Adieu mère adorée. Souvent le soir, à notre doux foyer, Nous parlerons de la sacrée, Qui nous berça sur son sein nourricier. »
Le long périple des futurs fondateurs de Mondovi commence…Le convoi des Mondoviens est le 11ème. Il y eut en tout 17 convois qui transportèrent entre 12000 et 14000 personnes depuis Paris vers les terres d'Algérie.
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1848 (16 nov) - Les discours avant le départ. | ||
Relevé dans Moniteur Universel .
Le départ du onzième convoi des colons de l'Algérie a eu lieu ce matin avec la solennité accoutumée : le temps était magnifique, et le soleil brillait comme aux plus belles journées d'automne. Une affluence de spectateurs, plus considérable encore qu'aux précédents convois, couvrait les deux rives de la Seine, et la rivière était sillonnée comme toujours de nombreuses embarcations pavoisées. Un des membres de la commission, M. de Montreuil, représentant du peuple a pris alors la parole en ces termes : " Colons de l'Algérie, chers concitoyens ! " C'est un moment, solennel que celui où vos derniers regards saluent la France. " Vos coeurs serrés d'angoisses, car vos familles, vos amis vous entourent : ils vous pressent dans leurs bras, ils vous couvrent de leurs adieux fraternels ! Mais vos coeurs s'ouvrent aussi à l'espérance ; vous savez que la France africaine est devant vous, et que là vous allez fonder un peuple, une civilisation ; vous savez que de hautes destinées vous attendent. " En effet, des souffrances vives, des difficultés extrêmes de la situation actuelle, difficultés et souffrances momentanées, Pensez-le bien, Dieu fait sortir en ce moment la plus grande chose des temps modernes. Ce que la monarchie n'osa pas entreprendre, la République n'hésite pas à le faire; elle jette sa population et ses trésors sur le sol d'Afrique, et elle dit, Là sera un peuple, là sera la fortune par le travail! (Longs applaudissements.) " Oui, par le travail, mais non par le travail sans la vertu. La vertu est la force des peuples, elle fait les choses durables. La fortune n'est pas le seul mobile de l'activité humaine, elle ne commande ni les sacrifices ni le dévouement fraternel. Or, la colonisation exige le dévouement et l'esprit de sacrifice. Il faut que le colon de l'Algérie soit dévoué à ses frères, il faut qu'il ne s'arrête pas à ses seuls intérêts, mais qu'il serve ceux de tous ; vous unirez donc la vertu au travail. " Plus l'oeuvre que vous entreprenez est grande, et plus elle anime votre courage. Vous sentez qu'avec le bien-être de vos familles, qu'avec la fortune de la colonie grandit la fortune de la France. L'Algérie colonisée est une puissante extension de la grandeur française. La France, par vos travaux, va peser d'un plus grand poids dans les affaires du monde, car la Méditerranée, pressée entre les deux rivages de la Provence et d l'Algérie, devient, sous notre domination, un lac pacifique ouvert au commerce du monde entier. (De toutes les barques. Oui ! oui ! - Bravo!) " C'est à votre dévouement, colons de l'Algérie, c'est aux sacrifices intelligents faits par la patrie, que nous devrons cette extension de notre grandeur. Oui, les sacrifices ne nous ont pas coûté, nous avons répondu fraternellement aux appels de vos souffrances ; vous nous demandiez le travail, et la République vous offre aujourd'hui la propriété à conquérir par le travail. (Applaudissements.) " La province dans laquelle vous allez vous rendre est fertile entre toutes ; les rives de la Seybouse sont le jardin de l'Algérie. Là, vous trouverez des terres fécondes, de gras pâturages, des collines boisées qui défendront vos troupeaux des ardentes atteintes du soleil. Toutefois, ne l'oubliez pas, la tempérance devient ici la condition de votre vie et la garantie de vos succès ; ne portez pas nos excès en Afrique, portez-y les vertus qui seules peuvent assurer l'avenir de la colonisation. Chers concitoyens achevez la conquête due au sang généreux de nos soldats, en domptant la fierté du peuple arabe par les séductions de notre civilisation chrétienne; soyez enfin, les pacifiques conquérants de cette terre d'où l'esclavage doit disparaître, où la liberté va fleurir. Adieu donc, ou plutôt à revoir, car ce ne sont pas des adieux qui accablent que nous vous adressons en ce moment: ce sont plutôt des adieux qui élèvent l'âme et qui dilatent le coeur. " Oui, chers compatriotes, à revoir ! Un courant continuel va s'ouvrir désormais entre la France algérienne et la vieille France; votre pensée nous sera sans cesse présente ; l'Assemblée nationale, la République veilleront toujours sur vous. Partez donc remplis d'énergie et de confiance ; partez, les obstacles irritent le courage, vous triompherez de tous. N'oubliez pas surtout qu'un jour un peuple sorti de vous bénira votre mémoire, car vous aurez été les généreux instruments d'une oeuvre immense, qui glorifiera à jamais notre République. " Les cris de vive la République.! éclatent de toutes parts. Le nom de l'orateur est demandé et salué de nombreux vivat.
" Citoyens, " Membres de l'Assemblée nationale, c'est en son nom que nous venons assister à votre départ. Notre présence témoigne hautement de l'intérêt qu'elle vous porte. Cet intérêt vous est dù ; car vous n'êtes pas des exilés; vous n'êtes pas de ceux que la France repousse et rejette hors de son sein ; vous êtes au contraire ceux de ses enfants à qui elle doit une assistance, une protection toute spéciale, méritée surtout par la grandeur de l'oeuvre que vous allez fonder ? En effet, cette oeuvre est immense, elle est magnifique, elle est éminemment patriotique et chrétienne. " Elle est immense, car il s'agit de reporter sur cette terre d'Afrique, autrefois si riche, si puissante, si peuplée, maintenant misérable et déserte, une partie des forces vives de la nation. " Il s'agit de fonder, de l'autre côté de la mer, une autre République française, et c'est à vous qu'il est donné de réaliser cette pensée qui, pendant si longtemps, fit trembler nos ennemis. C'est à vous qu'il appartient de faire que la Méditerranée ne soit plus autre chose qu'un lac français. " Elle est magnifique ; car je ne connais rien de plus beau, de plus sublime que le spectacle que vous donnez au monde, celui d'un peuple qui, fort de sa conscience, armé d'un courage inébranlable, marche d'un pas ferme à la conquête assurée de la propriété par la voie pacifique du travail. " C'est une oeuvre patriotique ; car, vous le savez, il faut, de toute nécessité, retirer de l'industrie, pour les reporter vers l'agriculture, tous les bras inoccupés, parce qu'ils sont pour le pays, dans la situation présente, une source continuelle d'embarras et de sacrifices inutiles. " Mais, pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'un grand nombre d'entre nous abandonne le pays qui les a vus naître. Il faut qu'ils échangent l'outil qui jusque aujourd'hui les a fait vivre contre la charrue du laboureur. " C'est de leur part un sacrifice; c'est du dévouement : c'est donc du patriotisme. " Enfin, elle est chrétienne, parce que vous allez, véritables soldats de la croix, au nom et suivant les doctrines de Jésus-Christ, notre maître, proclamer et pratiquer, sur la terre de l'esclavage, le dogme sacré de la fraternité. Vous le voyez, citoyens, votre rôle est beau, et nous avons la confiance qu'il n'est pas au-dessus de vos forces. " Partez donc! allez féconder par le travail cette terre si souvent arrosée du sang de nos frères. Allez, et n'oubliez pas la mère-patrie, car elle se souviendra de vous. Ayez confiance en elle, et soyez sûrs que ses vaisseaux, ses soldats sont à votre disposition, prêts à vous défendre si jamais un ennemi osait vous attaquer, " Avant de noirs séparer, unissons-nous, poussons ensemble ce cri qui résume en lui seul toutes les joies, toutes les espérances des coeurs honnêtes et des bons citoyens Vive la République! vive la République !
M. Dufaure s'est aussitôt exprimé ainsi : "Citoyens , " Vous demandez quel est l'orateur qui vient de vous adresser de si bonnes paroles; cet orateur est un ouvrier comme vous, qui, par son travail, par ses qualités privées, par le développement de son intelligence, a mérité et obtenu l'honneur d'être nommé membre de l'Assemblée nationale : c'est M. Peupin, je suis heureux de vous le dire. Cela vous montre que le Gouvernement de la République est véritablement et sincèrement un gouvernement d'égaux et de frères ; que tous les citoyens peuvent y prendre part, et qu'ils doivent y prendre part au profit de tous. " Voilà ce qui explique la vive et profonde Sympathie que l'Assemblée nationale, au nom de laquelle on vient de vous parler, et le pouvoir exécutif, au nom duquel je vous parle, ont apportée à étudier vos souffrances et à rechercher les moyens de les adoucir. " De tous les moyens que nous avons pu rencontrer, le plus digne, le plus efficace, le plus utile pour le pays et pour vous est assurément cette installation sur le sol de l'Algérie que nous vous avons offerte et que vous avez acceptée. Oui, sur cette terre, que nos braves soldats ont conquise, qu'ils ont dès longtemps préparée pour vous recevoir et vous nourrir, vous trouverez le repos qui vous fuit ici, des moyens de travail, une vie aisée, un avenir assuré, pour vous et vos enfants. Cette terre deviendra la Nôtre ; vous saurez la cultiver, la féconder, et, s'il le fallait un jour, comme le disait tout à l'heure un brave d'entre vous, vous sauriez la défendre contre tous les agresseurs qui viendraient vous y troubler. " Nous venons, Assemblée nationale et Gouvernement, assister à votre départ; nous venons vous répéter hautement, solennellement, devant cette population attentive qui nous environne, les promesses qu'on a dû vous faire en notre nom. Oui, le Gouvernement vous accompagne de ses sympathies les plus sincères; des ordres sont donnés pour que, sur tous les points de votre route, l'accueil le plus fraternel vous soit ménagé. Nous ferons ce qui nous sera possible pour adoucir les fatigues qu'un long voyage peut imposer à vos femmes et à vos enfants. De braves et excellents officiers se chargent de vous conduire dans la province de Bonne, sur la terre que vous devez occuper, et la nouvelle que vous y êtes arrivés, établis, déjà livrés à vos travaux, sera la plus heureuse que nous puissions recevoir dans quelques jours. " Adieu. donc; séparez-vous sans trop de regrets de cette terre de France, puisque c'est encore elle que vous retrouverez au terme de votre voyage; n'oubliez pas que nous serons toujours concitoyens de la même Patrie, enfants de la République, animés des mêmes sentiments pour elle, et prêts à nous dévouer les uns pour les autres et tous pour notre commun pays. " Vive la République! " A ce cri les colons ont unanimement répondu par celui de Vive la République ! M. de Noirlieu, curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, a fait précèder la bénédiction du drapeau d'une allocution dans laquelle il a heureusement commenté l'inscription qu'il porte Liberté, Egalité, Fraternité. Son discours a été salué par de vives acclamations. La cérémonie de la bénédiction terminée, M. le général Cavaignac a pris en main le drapeau, et a adressé au colons les paroles suivantes " Citoyens, " Je vous remets ce drapeau. Vous allez en Algérie fonder la commune de Mondovi, Ce nom vous rappellera de glorieux, de grands souvenirs. Mais ce drapeau que je vous remets n'est point un signe de guerre; c'est un signe de paix, d'ordre, de travail. Vous allez en Algérie assurer, par votre énergique persévérance, votre subsistance, votre avenir, la subsistance et l'avenir de vos enfants. C'est au travaiI que vous allez demander de vous ouvrir les sources de la propriété; en cela vous faites acte de bons et honnêtes citoyens. Et voyez comme chaque bonne action porte en elle-même sa récompense : tandis que vous allez travailler pour vous-mêmes, pour votre bien-être et celui de vos familles, vous allez travailler en même temps pour l'honneur et la gloire de la République; vous allez concourir au succès d'une des plus grandes entreprises de civilisation des temps modernes, au succès d'une oeuvre qui va donner à notre grande nation de nouveaux titres au respect et à l'admiration du monde. " Vous allez créer des villes nouvelles, former pour l'avenir le noyau de nouvelles provinces. Rappelez-vous que vous ne réussirez qu'à la condition d'y apporter l'esprit de calme, l'amour de l'ordre, la soumission aux lois, sans lesquels rien ne peut se fonder ni vivre. " Adieu, citoyens : j'ai voulu, avant de nous séparer, vous adresser quelques paroles d'espérance et d'encouragement. En nous quittant, répétons encore ensemble ce cri patriotique, qui répond à la pensée de tous les véritables amis de la France : " Vive la République! " De tous les bateaux s'élèvent les cris de Vive la République ! vive la France ! vive l'Algérie ! " Au moment du départ, M. le général de Lamoricière a détaché de la boutonnière de M. le commandant Jarras, aide-de-camp du général Cavaignac, la croix de la Légion d'honneur, pour l'attacher à la boutonnière de M. le capitaine d'état-major Schmitz, commandant du convoi, auquel le chef du pouvoir exécutif venait de l'accorder. Cet officier qui a servi pendant cinq années en Algérie, est chef du bureau arabe de la subdivision de Bône et s'est déjà occupé de travaux de colonisation.
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De Paris à Marseille | ||
Tiré par le bateau à vapeur Neptune le convoi s’ébranle pour remonter la Seine jusqu’à St Mammes. La saison choisie, l'automne, convient parfaitement parce qu'elle permettra l'installation des colons avant les grosses chaleurs. Pour déplacer à moindres frais les 12 000 personnes prévues pour créer les colonies, le seul moyen possible à cette époque est la voie d'eau. En effet il n'est pas pensable d'utiliser des diligences et le chemin de fer n'en est encore qu'à ses débuts. Le bateau choisi est le chaland de la Loire sur lequel on a édifié une cabane pour les passagers. Chaque bateau mesure une trentaine de mêtres de long sur 5 m de large. La longueur a été fixée en fonction de celle des écluses à passer. Les chalands ont été sommairement équipés. A l’avant un compartiment sert de cuisine et de réserve alimentaire. Chaque jour les partants ont droit à une ration qui est convenable (pain, viande, légumes, laitage pour les enfants, vin) A l’arrière, un local est réservé à l’équipage. Deux chambres permettent de « caser » chacune 90 personnes sur des banquettes aménagées dans le sens de la longueur. Ces banquettes servent de couchettes la nuit. C’est dire l’inconfort dans lequel le voyage se fera. D’autant que les bagages sont rangés sous les banquettes ou sur des étagères prévues à cet effet au dessus. Il est, bien sûr, interdit de débarquer entre deux haltes, c'est-à-dire pendant au moins 48 heures. Un système de plancher amovible , à l’avant et à l’arrière du bateau permet d’évacuer les eaux usées et les latrines. L’inconvénient majeur d’une telle installation est la promiscuité qui règne. Beaucoup ont du mal à supporter cette vie en commun. Le 18 novembre le convoi est à Nemours où des marques de sympathie réconfortent quelque peu les colons jusqu’à fêter leur passage par quelques beuveries. Cela se poursuit le 19 novembre, jour où, à l’écluse de Montargis, un homme un peu ivre, tombé à l’eau est sauvé de justesse. Le 21 novembre le convoi atteint BRIARE qui est un lieu d’approvisionnement. Les haleurs refusent alors de poursuivre leur travail prétextant le financement insuffisant de leur activité. L’initiative des colons, de tirer eux même leurs bateaux fait avorter la grève. Une nouvelle tentative d’arrêt de travail le 24 novembre sera à nouveau avortée par le zèle des colons prêts à prendre la relève des haleurs. C’est le 27 novembre que le convoi atteint Chalon-sur-Saône. Un arrêt à Lyon permettra un ravitaillement en vivres et en boissons organisé par l’administration et apprécié de tous. A PONT-SAINT-ESPRIT les haleurs sont remplacés par un remorqueur à vapeur qui les mènera jusqu’à ARLES où l’arrivée se fera le 30 novembre. C’est dans la cité antique que cessera le voyage sur canaux, tandis que les bateaux transportant du matériel continueront jusqu’à Marseille. Durant la journée du 30 les colons prendront le train, certains pour la première fois, pour parcourir le trajet de Arles à Marseille dans un certain inconfort puisque les wagons sont sans vitres. A MARSEILLE, dans la toute nouvelle gare St Charles les mauvaises conditions sont cependant vite oubliées. On ne gardera en mémoire que l’aubaine d’avoir emprunté le tout nouveau moyen de transport qu’est le train, qui a tout de même été plus confortable et plus rapide que les péniches. A Marseille c’est au Grand Lazaret que les colons devront patienter pour attendre le « Labrador », bateau à vapeur qui doit traverser la Méditerranée. C’est le 4 décembre que le bateau rentre au port mû par sa grande roue à aube. Les personnes sont aussitôt invités à monter à bord. Une nuit se passe avec l’impatience de voir le bâtiment quitter le port. C’est le 5 décembre vers 8 heures du matin que le capitaine MALET ordonne qu’on lève l’ancre. A la fois curieux, heureux mais anxieux, les futurs mondoviens assistent à la manœuvre depuis le bastingage qui leur sert d’accoudoir. A la sortie du port de Marseille l’énorme roue se mit à battre l’eau de plus en plus fort. Il en fut ainsi pendant quatre jours. Dans la matinée du 8 décembre « le Labrador » entame son approche du port de Bône. On distingue les bâtiments de la Casbah d’où partent des coups de canon puis les remparts de la ville et le minaret de la mosquée de la vielle ville. Du môle Cigogne où sont réunis les personnalités et les personnes venus accueillir les nouveaux arrivants, une musique militaire retentit. Dès sa descente du bateau le convoi se mit en marche vers la ville pour se voir offrir le vin de l’accueil par la municipalité : le premier vin prit sur cette terre d’Afrique devenue terre de France sur laquelle vont vivre désormais les fondateurs de Mondovi.
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1848 (8 décembre) - Arrivée du convoi 11 à Bône | ||
"La Seybouse" du 25/11 Le Génie Militaire travaille activement aux baraques destinées à recevoir les colons. Sur les deux villages projetés à Coudiat-Mena ces travaux sont à peu près achevés. Deux compagnies ont été envoyées à cet effet sur les lieux, les ouvriers civils travaillent à l'arsenal, qui occupe les charpentiers et menuisiers que l'on a trouvés à Bône. Les baraques sont situées au milieu de l'emplacement des futurs villages, de manière à ne pas gêner les constructions définitives qui seront élevées plus tard. M. le Colonel du Génie Bouteilloux arrivé depuis peu, s'occupe jour et nuit de cette occupation provisoire. On dit qu'un certain nombre de familles seront dirigées sur Guelma, où se font les préparatifs pour les recevoir.
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1848 - De Bône à Mondovi. | ||
Le 8 décembre, la frégate à vapeur « Le Labrador », transportant les membres du convoi 11 arrive à Bône. Les futurs Mondoviens sont logés dans la Casbah de la ville. Le 9 après l’appel de l’officier, commandant lé garnison on leur précise que le départ ne se fera qu’après leur participation à l’élection du Président de la République prévue le lendemain. Le 11 décembre, une partie du convoi escorté par les militaires part pour le lieu d’implantation du village. L’armée a mis à la disposition du convoi des attelages et des charrettes. La route empruntée sera celle que les militaires ont tracé pour pousser leurs investigations vers l’intérieur du pays. Les routes arabes à la conquête n’étaient que de simples sentiers tracés par les pieds ou les sabots du cheval ou du mulet. Les itinéraires correspondent souvent aux routes romaines. Pour les arabes deux choses faisaient le mérite d’une route à leurs yeux : l’eau et la sécurité. La première explique le fait que très souvent on trouvait des points d’eau sur les chemins qu’ils empruntaient. Pour ce qui est de la sécurité, le danger le plus fréquent était la rencontre de « coupeurs de route ». De misérables bandits de petites tribus logées sur des positions presque inaccessibles s’embusquaient sur le passage des caravanes. Pendant une dizaine d’années à partir de la conquête, la route menant à l’intérieur des terres n’était sécurisée que sur quelques kilomètres. C’est la prise de Constantine qui permit de descendre beaucoup plus bas dans l’arrière pays. Les français avaient besoin d’une communication carrossable : ils ont suivi les tracés romains et découvert d’imposants vestiges à chaque pas. On peut évaluer à plusieurs milliers le nombre d’établissements romains de toute grandeur répandus sur la surface de l’Algérie. L’armée avait établi un camp à une vingtaine de kilomètres de la ville près d’un point d’eau, vestige d’une étape romaine sur la route entre Hippone et Thagaste devenue Souk Ahras. Les militaires installés dans des baraques en bois avaient pour mission de préparer, sécuriser et protéger les nouveaux arrivants. Ce lieu était indiqué sur les cartes sous le nom de Dréan. Les militaires connaissaient donc bien la route de Bône à Dréan. Leur escorte permit aux colons de circuler sans trop de crainte. Un facteur d’insécurité était tout de même à prendre en considération : l’attaque possible d’une bête sauvage. Un animal faisait parler de lui dans la région : le lion qui peuplait encore tout le massif de l’Edough. L’animal s’attaquait tout particulièrement aux troupeaux des indigènes et faisait l’objet d’une traque constante. Le voyage, au travers d’une végétation sauvage et désordonnée d’un bout à l’autre avait été pénible. Moins dangereux que le lion, mais surprenant et irritant par ses piqûres soudaines, le moustique virevoltant sans répit autour de la caravane n’en était pas moins agressif. Aucun pont n’avait été construit. Il fallut passer ruisseaux et rivières à guet. Arrivés au camp de Dréan on dit aux migrants que le point de chute n’était pas loin. Il n’y eut, en effet que quelques kilomètres à faire pour découvrir le terrain que les militaires avaient commencé à défricher et à sécuriser. La végétation était luxuriante. Ils longeaient la Seybouse, rivière la plus importante de la région. Les lauriers roses succédaient aux cactus et aux figuiers de barbaries, aux oliviers et aux orangers sauvages couverts de fruits. Des huttes ou des gourbis ici ou là, gardés par des chiens aboyant au passage du convoi, des curieux enveloppés dans une vieille couverture assis au bord du chemin : tout au long du trajet les colons découvraient un monde nouveau. Ils avaient rencontré aussi des personnages à la tête enveloppée d’un turban guidant un âne croulant sous un chargement enveloppé d’un linge. Les militaires leur apprirent que la région était peuplée de nombreuses tribus. La plus puissante et la plus nombreuse était celle des HANNENCHA qui occupait les campagnes de Constantine et de Bône : des personnes plutôt pacifiques à la différence de certaines peuplades plus belliqueuses tels les BENI-SALAH occupant les abords sud de la zone sur laquelle le village devait être édifié.. Juste après le camp de Dréan les migrants furent surpris de découvrir une bâtisse. On leur dit que c’était un lieu saint. Autour de l’édifice, un champ et quelques tombes parmi lesquelles des toiles tendues abritaient des hommes et des femmes assis. C’étaient des pèlerins venus à pied, parfois de très loin pour honorer l’homme dont le caveau était protégé par un marabout. Il s’agissait de Sidi HAMEDA, un disciple d’ Abd el Kader, le serviteur du puissant. Abd el-Kader contre lequel la France eut fort à faire était considéré dans presque tout l’orient comme le patron des pauvres et des malheureux. C’est en son nom que presque tous les mendiants imploraient la charité du passant.
Pendant toute cette journée, les parisiens s’étaient plongés dans un monde qui n’avait cessé de leur réserver des surprises. Ils savaient que d’autres journées leur feraient découvrir de nouvelles facettes de ce pays dans lequel ils étaient bien décidés à entamer une nouvelle vie. Pour l’instant, harassés par ce voyage éprouvant, ils n’avaient qu’une envie, dormir même s’il fallait le faire sous des tentes montées par l’armée prête à les recevoir. |
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